top of page

On the road, au Pérou

Nous avalons des kilomètres d'une route en ruban couleur charbon, lisse et scintillante comme le satin.

Combien de pépites noires semées sur le chemin aura-t-il fallu pour former cet immense canal de goudron sombre et granuleux?

Une ligne jaune en pointillé, tel un rail, rythme notre traversée. Les yeux s'y perdent.

La tête et le corps, nonchalants, n'esquissent que quelques vibrations en coeur avec le moteur. D'infimes soubresauts de droite à gauche.

La route n'en finit plus et c'est tant mieux. Que les heures se suivent et se ressemblent nous enchante. Nos fatigues, lentement se délient face à cet horizon imperturbable.

Les terres sont parcelées d'ombre et de lumière, puis d'ombre et de lumière. Le vent les caresse d'une aile, puis d'une autre, discrètement, imposant une direction à quelques herbes opiniâtres. Puis il recommence, semblant influencer les rayons du soleil qui courent sur les plaines péruviennes.

Le paysage, continu, est ponctué de troupeaux d'alpagas ou de vigognes qui sont comme autant de mirages. Douceurs duveteuses en plein désert. Tâches cotonneuses dans la pampa. Seules touches fauves d'un tableau naturaliste.

D'une immensité plate et caillouteuse où se bat une végétation verte et jaune avec ardeur, s'élèvent parfois au loin quelques sommets andins enneigés, et le volcan El Misti.

A l'abri derrière la vitre, inatteignable par le souffle froid, nous ne saurions véritablement présentir la dureté de tout cela. D'un no man's land il ne s'agit pas puisque quelques villages fantômes ponctuent le défilé sous nos yeux de rocailles et de chardons. Des petites maisons basses en torchis, poussiéreuses, balayées par les rares allers et venues. Des visages bruns et plissés aussi, des bonnets et des lainages.

Il nous faudra sortir faire quelques pas, la route dans notre dos, vers des pâturages secs et pourtant immuables, pour ressentir l'atmosphère en altitude nous essouffler. Légère griserie. Etourdissement. Ce coin du monde insoumis nourrit notre soif, celle, constante qui nous habite à Paris tous les jours.

La destination n'a pas compté, seul le chemin. Nous arrivons avec le jour déclinant à Arequipa, la cité blanche, groggy et obsédés par cette beauté hostile. C'est bien elle que nous cherchions. Nous repartons le lendemain, avide d'enchantement.


bottom of page